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Chômage: Les derniers chiffres mensuels publiés fin avril indiquent une réduction de 60 000 demandeurs d’emploi de catégorie A entre février et mars 2016. Est-ce vraiment le début de l’inversion de la courbe du chômage ?

Statistiques et faux semblants

Avec 3,5 millions de demandeurs d’emploi de catégorie A inscrits à Pôle emploi en mars 2016, et donc une baisse du nombre de demandeurs d’emploi dans cette catégorie, le gouvernement se plaît à voir le début d’une inversion tant annoncée de la courbe du chômage. On aimerait y croire.

A, B, C…

Il existe cinq catégories de privés d’emploi : A sans aucune activité, B et C en activité à temps très partiel, D et E dispensés de recherche d’emploi notamment parce qu’ils sont inscrits en formation.

Pourtant, d’une part le chômage continue d’augmenter sur la durée : + 0,5 % par rapport à mars 2015. Toutes catégories confondues, c’est de 3,3 % que le nombre de privés d’emploi a progressé par rapport à l’année dernière. D’autre part, les derniers chiffres témoignent surtout, comme le souligne la CGT, de la « dégradation de la qualité de l’emploi ».

Fausses recettes et vrais intérêts

Les mêmes recettes produisent les mêmes effets. Et la politique du gouvernement qui intensifie celles des précédents n’y déroge pas. En fait, depuis les années 1980, environ 10 % de la population active est privée d’emploi. On dénombre quelque 6,5 millions de privés d’emploi en France, et les conditions d’accès aux allocations de l’Unedic en font basculer de plus en plus vers le RSA et les dispositifs de la solidarité nationale

Sur 6,5 millions, la moitié ne touche soit aucune indemnité, soit des indemnités inférieures à 500 euros par mois.

En fait, on peut considérer les chiffres comme largement sous-évalués ; nombre de personnes dépourvues de droits, en effet, renoncent à s’inscrire à Pôle emploi et ne sont donc pas comptabilisées. Depuis mai 2012, date de l’élection de François Hollande, la tendance est restée la même, avec en moyenne quelque 16 000 chômeurs supplémentaires chaque mois.

Pour tenter de faire baisser le chômage, le gouvernement joue sur trois leviers qui ont, pourtant, prouvé à la fois leur coût et leur inefficacité :

1 – Le gouvernement a promis, pour l’année 2016, un « plan d’urgence contre le chômage » passant par la formation professionnelle sous toutes ses formes. Il a ainsi annoncé 500 000 nouvelles formations, ce qui porterait le nombre de chômeurs en formation à près d’un million.

À cela s’ajoutent 150 000 « emplois d’avenir » (contrats aidés pour les moins de 25 ans, théoriquement accompagnés d’une formation) et la montée en puissance de la « garantie jeunes » sous la responsabilité des missions locales.

Tous ces dispositifs, qui peuvent avoir ponctuellement une réelle utilité, reposent sur l’idée qu’il faut améliorer « l’employabilité » de certaines catégories pour leur permettre de trouver du travail.

Transformant les demandeurs d’emploi en responsables de leur situation sans poser la question de la nécessaire création d’emplois et oubliant que, même s’il existe quelques secteurs dits « en tension » pour lesquels les entreprises peinent à recruter, il y a moins d’emplois à temps plein créés que d’emplois supprimés (suppression de sites de production, réduction des emplois au nom des dividendes, délocalisation de l’emploi industriel, plans sociaux, réduction drastique des budgets de la culture, du sanitaire et social…), et les ruptures dites conventionnelles, moins contraignantes pour les entreprises, ont crû de manière exponentielle.

2 – Le Crédit d’impôt compétitivité emploi, accordé aux entreprises sans aucune contrepartie, aura coûté 10 milliards au contribuable en 2014, 17,5 milliards en 2015 et devrait avoisiner les 20 milliards en 2016.

Parallèlement, on ne compte plus les mesures prises pour insécuriser le travail, libéraliser les formes de contrat courtes et atypiques, favoriser des statuts de faux indépendants, déréglementer des pans entiers de notre économie.

Il s’agit toujours de « baisser les charges » (c’est-à-dire les cotisations à la Sécurité sociale, etc.) et « fluidifier le marché de l’emploi » pour favoriser l’embauche, c’est-à-dire, dans le « meilleur » des cas, transformer certains chômeurs en travailleurs pauvres.

3 – Un contrôle accru de la recherche effective d’emploi par les personnes indemnisées ou bénéficiaires du RSA, accompagné d’une dématérialisation des démarches (fermetures des agences, obligation d’actualiser sa situation via Internet). 10 % en moyenne des sorties de liste de Pôle emploi sont dues à des radiations administratives.

Montée de la précarité

Quant à l’emploi, c’est surtout la précarité qui progresse. Près de neuf emplois nouveaux créés sont des emplois précaires, et la durée moyenne des contrats diminue. Le nombre de demandeurs d’emploi en catégorie B et C continue en effet d’augmenter. De même, du reste, que le chômage de longue durée. Particulièrement touchés par l’insécurité : les seniors.

Les créations correspondent surtout à ce que le BIT définit comme une catégorie « emploi inadéquat », qui inclut les emplois à très bas salaires, les contrats précaires et le sous-emploi (temps très partiel et/ou emploi très en dessous du niveau de qualification) : toutes personnes qui, sorties du chômage stricto sensu, sont néanmoins en recherche d’emploi.

Vases communicants et communication

La baisse statistique de la catégorie A est néanmoins censée avoir un fort impact… médiatique. Même si l’on assiste à un mauvais jeu de vases communicants entre la catégorie A et les autres. C’est aussi en ce sens que la CGT demande une plus forte taxation des contrats courts, lesquels précarisent l’emploi, et coûtent à la protection sociale. Elle rappelle aussi qu’il est temps de mettre en œuvre une véritable « protection des salariés » et « un nouveau Code du travail du XXIe siècle ».

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